Published June 16, 2022 | Version v1
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Science Ouverte et (in) visibilité du savoir scientifique en Afrique de l'Ouest

  • 1. Université de Toulon

Description

L’introduction des technologies de l’information et de la communication (TICs) en Afrique a été faite presque dans les mêmes conditions qu’ailleurs, c’est-à-dire d’abord dans le domaine universitaire (Renaud, 2005). Cette introduction dès les années 1980 va apporter deux changements principaux dans la science : d’abord, dans l’élaboration des documents savants, le traitement de texte pour produire des documents destinés à être imprimés. Dans un second temps, les productions ont commencé à être stockées en version numérique grâce à l’amélioration considérable de la taille des supports de stockage. C’est au début des années 1990, marquées par l’apparition des réseaux électroniques que va se développer la circulation de l’information scientifique sous format numérique. Dès lors, tout le processus de production de l’information scientifique va être impacté, du traitement de texte à la diffusion et à la vulgarisation de l’information, en passant par le stockage (Dramé, 2014). Associé à l'explosion documentaire partout dans le monde à cause de la course scientifique entre Etats, l’introduction des métriques à l’aune desquelles tant les chercheurs que leurs institutions sont désormais jugés et sous le joug du Publish or Perish, ces différents changements vont avoir pour conséquence principale, l’augmentation exponentielle des coûts d’accès aux productions scientifiques.

En Afrique où cet accès est longtemps compromis à la fois par les problèmes de visibilité des articles locaux, par la non professionnalisation des métiers de l’édition dans beaucoup de cas, les problèmes de circulation des revues, et aussi la faiblesse des budgets d’acquisition des revues étrangères, des programmes à caractère caritatifs vont voir le jour, au premier rang desquels Research4Life, fruit d’un partenariat public-privé impliquant des organisations internationales et des universités. Le programme est lancé en 2002, dans le but de réduire le fossé en termes de connaissances scientifiques entre pays du Nord et du Sud. 

Même si l’idée de donner accès à la ressource scientifique aux chercheurs du Sud, grâce aux TICs, est d’abord apparue sous cette forme, nombre de chercheurs formulent des critiques notamment d’ordre épistémologique à l’endroit de ces programmes. L'anthropologue Florence Piron estime que Research4life constitue un exemple du « néocolonialisme scientifique » déguisé en action charitable inspiré par l’idéal du Libre Accès, du fait que le programme constitue un flux unidirectionnel d’informations des pays avancés vers les pays du Sud, au moment même que les savoirs produits dans ces pays du Sud sont difficile d’accès, peu valorisés, et donc des savoirs invisibles. A plus forte raison, ces productions scientifiques trouvent difficilement d’éditeurs dans le système-monde de la science, dès lors qu’elles sont caractérisées par l’élaboration dans d’autres langues que l’anglais et portent sur des thématiques locales. 

Ces articles se retrouvent en fin de compte dans des revues sans visibilité et non indexées par des index internationaux qui, en conséquence, attribuent à l’Afrique une part très faible (1 à 2% selon les études) dans la production scientifique mondiale. Cette part, aussi infime soit-elle, est encore dominée par quelques pays, notamment anglophones et Arabes (Nigéria, Afrique du Sud, Égypte, Kenya). La production visible de la science en Afrique francophone, de l’ouest précisément, se compte en quelques dizaines.

Face à cette invisibilité des savoirs scientifiques africains, les TIC constituent une voie pour rendre visible une science africaine invisible, par la science ouverte, plus viable que les programmes caritatifs, non seulement pour avoir accès à la connaissance scientifique locale, mais aussi pour valoriser la production scientifique africaine afin qu’elle s’inscrive dans un dialogue avec d’autres savoirs produits ailleurs. Au-delà de la visibilité des connaissances produites localement, la science ouverte implique également de questionner largement les modalités de production et de diffusion de la recherche en Afrique. C’est dans cette dynamique que s'inscrit mon travail de thèse.

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