Published August 1, 2016 | Version v1
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[De l'usage du pluriel (ou non) du mot « data »].

Description

La sélection des manuscrits pour publication dans une revue scientifique est un processus subjectif. Des mesures sont prises pour assurer un certain contrôle et rendre la démarche aussi équitable que possible, notamment le recours à de multiples examinateurs indépendants, l'imposition de grilles d'examen et la mise en place de lignes directrices sur les conflits d'intérêts. Les rédacteurs voient bien que le jugement de certains examinateurs est guidé par leur sympathie (ou leur antipathie) pour un manuscrit. Le travail de l'éditeur consiste à discerner le bien-fondé des opinions. Dans certains cas, la description «  mal écrit  » pèse lourd dans l'esprit de l'examinateur. L'utilisation (en anglais) du mot «  data  » comme nom commun singulier est souvent perçue comme signe soit de naïveté scientifique ou de faute de grammaire. Or, je soupçonne que le défaut d'attribution du pluriel au mot «  data  » a eu comme résultat, à l'occasion, le refus d'un manuscrit par ailleurs acceptable. Pas dans le JCC, espérons-le. L'usage du mot «  data  » au singulier s'est étendu à tous les domaines, sauf aux milieux universitaires de la médecine. En médecine, on justifie ce refus par le fait que le mot « data », pluriel du latin « datum », renvoie à de multiples faits ou observations. Dans le langage ordinaire, où l'utilisation de la forme plurielle de «  data  » peut paraître lourde et pompeuse, le nom au singulier est beaucoup plus acceptable. Les journalistes utilisent uniquement la forme singulière, à l'écrit ou à l'oral. D'autres branches de la science, notamment l'informatique et le génie, ont abandonné l'usage de « data » comme nom pluriel. Une recherche dans Google Books révèle que « data » pluriel, autrefois 4 fois plus fréquent que « data » singulier, a évolué au cours des 2 dernières décennies jusqu'à atteindre une fréquence d'utilisation égale. Une recherche semblable dans PubMed révèle toutefois que, dans les écrits savants en médecine, la forme plurielle est 3 fois plus utilisée que la forme singulière. Ainsi, la médecine, seule parmi toutes les sciences, est demeurée ferme dans son utilisation de la forme plurielle de « data ». Curieusement, le mot « datum » n'est presque jamais utilisé et semble être remplacé par des expressions telles que «  data point  ». Alors, le mot «  data  » est-il singulier ou pluriel, et cela a-t-il de l'importance? Nous ne pouvons pas consulter les Romains, puisqu'ils n'utilisaient pas les mots « datum » et « data » comme nous le faisons aujourd'hui en sciences. Pour le participe passé du verbe «  to  give  » (donner), ils utilisaient peut-être des adjectifs signifiant «  given  » (donné), par exemple, le mot « data » écrit sur une lettre pour indiquer qu'elle était donnée au récipiendaire. On note toutefois que le mot « data » dans cet exemple est au féminin, car il doit s'accorder avec « epistola » plutôt qu'avec le pluriel. Il est intéressant de voir que cet usage a donné lieu au mot contemporain «  date  » et à son usage dans la correspondance. Depuis le dix-septième siècle, les logiciens ont appliqué le mot « data » aux élé­ ments d'une prémisse de laquelle des conclusions sont déduites. Ici, le mot «  given  » sous-entend qu'aucune autre preuve n'est requise. Puisqu'une prémisse doit être constituée de faits pour que la conclusion soit valide, cela explique l'origine de l'acception scientifique moderne de «  data  », soit faits ou observations. Beaucoup d'auteurs attribuent à Pullen1 la première utilisation du mot dans sa signification scientifique moderne, mais un coup d'œil à ce livre, que l'on peut consulter en ligne, révèle qu'il a utilisé l'expression «  mathematical data  » comme titre d'un chapitre portant sur les

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