Entre héritage réglementaire et imaginaire du risque: gestion des zones inondables et pratiques d'adaptation au Québec et à Lachute
Description
Les inondations, intensifiées par les changements climatiques, posent des défis majeurs pour la gestion des zones inondables au Québec. Ce rapport aborde ces enjeux à travers deux volets complémentaires : une analyse historique de l’évolution du cadre de gestion des zones inondables au Québec et de l’impact projeté du chantier de refonte cartographique et réglementaire, et une exploration de l’imaginaire du territoire inondable de la ville de Lachute, qui fait face à des inondations récurrentes depuis des décennies et qui, malgré tout, continue d’être habité.
L'analyse historique révèle que les grandes crues de 1974, 1976, 2017 et 2019 ont marqué des tournants importants dans la gestion des risques au Québec, en mettant notamment en lumière les lacunes du cadre réglementaire et de la cartographie des zones inondables. L’adoption de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) en 1979 et de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables (PPRLPI) en 1987 a marqué un virage vers une approche préventive. Cependant, des incohérences, une mise à jour insuffisante des cartes et une application inégale des normes ont freiné leur efficacité. Les inondations catastrophiques de 2017 et 2019 ont catalysé une refonte du cadre réglementaire, une cartographie modernisée et des mesures pour renforcer la résilience des collectivités. En 2022, un régime transitoire est entré en vigueur pour resserrer l’encadrement des activités en zones inondables, dans l’attente de l’adoption d’un cadre basé sur une approche de gestion par le risque. Mais à ce jour, les périmètres réglementaires proposés dans le projet de modernisation négligent les capacités d’adaptation déployées par les communautés pour s’adapter à la présence de l’eau et offrent ainsi une lecture biaisée du risque d’inondation.
La deuxième partie explore les représentations sociales et culturelles associées au territoire inondable de Lachute. Elle met en lumière les rapports complexes qui se sont noués entre les riverains et la rivière du Nord au fil de la succession d’épisodes d’inondation et les pratiques d’adaptation déployées pour y faire face, notamment chez ceux qui ont fait l’expérience de crues à répétition. Ces derniers en sont venus à vivre avec les débordements et à (co)habiter avec l’eau, remettant ainsi en question l’idée persistante selon laquelle les zones inondables seraient forcément risquées. Les stratégies locales, bien que parfois innovantes, restent néanmoins limitées par un cadre réglementaire qui fait fi de l’expérience humaine du territoire et des manières spécifiques d’habiter les territoires exposés pour apprendre à composer avec le risque d’inondation.
En somme, ce rapport souligne l’urgence d’une approche territorialisée, basée sur le risque, pour moderniser la gestion des zones inondables. Il met également en évidence la nécessité de voir au-delà des délimitations cartographiques et de mieux intégrer les dimensions humaines et culturelles dans les politiques d’aménagement, comme illustré ici par le cas de la ville de Lachute, pour refléter un niveau de risque au plus près de la réalité. Ces pistes de réflexion visent à promouvoir une gestion, une planification et un aménagement des territoires exposés plus cohérents, pérennes et recevables, face aux défis croissants des changements climatiques.
Abstract
Floods, intensified by climate change, pose major challenges for flood zone management in Quebec. This report addresses these issues through two complementary aspects: a historical analysis of the evolution of flood zone management in Quebec and the projected impact of the cartographic and regulatory overhaul, as well as an exploration of the imaginary surrounding the flood-prone territory of the city of Lachute, which has faced recurrent floods for decades and yet continues to be inhabited.
The historical analysis reveals that the major floods of 1974, 1976, 2017, and 2019 marked significant turning points in Quebec’s risk management, particularly by highlighting gaps in the regulatory framework and flood zone mapping. The adoption of the Act Respecting Land Use Planning and Development (LAU) in 1979 and the Policy for the Protection of Shorelines, Littorals, and Floodplains (PPRLPI) in 1987 represented a shift toward a preventive approach. However, inconsistencies, insufficient updates to maps, and uneven enforcement of standards have hindered their effectiveness. The catastrophic floods of 2017 and 2019 triggered a regulatory overhaul, a modernization of mapping, and measures to strengthen community resilience. In 2022, a transitional regime came into effect to tighten the regulation of activities in flood zones, pending the adoption of a risk-based management framework. However, to this day, the regulatory perimeters proposed in the modernization project fail to account for the adaptive capacities deployed by communities to live with water, thus providing a biased interpretation of flood risk.
The second part explores the social and cultural representations associated with Lachute’s flood-prone territory. It highlights the complex relationships that have developed between residents and the Rivière du Nord through successive flooding episodes and the adaptation strategies implemented to cope, particularly by those who have repeatedly experienced flooding. These residents have come to live with overflow events and to (co)exist with water, challenging the persistent notion that flood-prone areas are inherently dangerous. While local strategies are sometimes innovative, they remain constrained by a regulatory framework that disregards the human experience of the territory and the specific ways in which people inhabit exposed areas to learn to manage flood risks.
In summary, this report underscores the urgency of a territorialized, risk-based approach to modernizing flood zone management. It also highlights the need to look beyond cartographic boundaries and better integrate human and cultural dimensions into planning policies, as illustrated in the case of Lachute, to more accurately reflect the true level of risk. These reflections aim to promote more coherent, sustainable, and acceptable management, planning, and development of exposed territories in response to the growing challenges posed by climate change.
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