R Markdown

x
page: 20 tome: 8
text
Tandis que les États secondaires, ainsi que la chose vient d avoir lieu dans les Chambres à Carlsruhe (l), demandent que les Duchés soient consultés sur leur sort, M. de Bismarck, après avoir sommé l Autriche de lui livrer le publiciste May, condamné par les tribunaux prussiens (2), fait rendre par son Souverain un décret qu aucun Ministre n a contresigné et qui prononce des peines pour chaque expression, dans ces mêmes Duchés, d un vœu quelconque, en dehors des vues du Gouvernement prussien (3). Ce qu il y a de plus injurieux pour le Gouvernement autrichien dans ce décret, c est qu il s applique aussi bien au Holstein qu au Sleswig, et qu il est particulièrement dirigé contre le Général de Gablenz, qui, en plusieurs circonstances, a provoqué lui-même l opinion publique à se manifester. Si à ces mesures, qui répolIdent si peu au désir en général des Gouvernements européens, on ajoute la présence à Berlin, soùs un faux nom, d un général

italien (1), on devrait croire que le Gouvernement prussien est résolu à la guerre.

Toutefois, M. de Bismarck a donné un tel retentissement à ce dernier incident, en éclatant contre les indiscrets qui avaient amené la découverte de l officier étranger, qu on est en droit de supposer que, en cette circonstance comme en bien d autres, ses prétendues relations avec l Italie ne sont qu un jeu pour faire croire au public que la Prusse n est pas isolée, et amener en même temps le Gouvernement autrichien à des concessions, par la crainte d une alliance entre les Cours de Florence et de Berlin. C est un moyen qui a, une première fois déjà, admirablement réussi à Gastein, lorsque le Cabinet de Vienne hésitait à donner son adhésion à la Convention de ce nom (2). Mais le fait de recourir à de pareils subterfuges indiquerait, de la part du Premier Ministre de Prusse, plutôt de l hésitation qu une décision arrêtée.

Ce ne serait pas le seul indice du maintien de la paix. Le principe proclamé par la Saxe en invoquant contre les deux grandes Puissances allemandes l article XI du Pacte fédéral réunit, même en Prusse, un si grand nombre de partisans que l on se demande laquelle des deux Puissances, de la Prusse ou de l Autriche, ira la première à Francfort pour saisir la Diète de son différend avec son adversaire. Ce serait, il est vrai, pour M. de Bismarck un moyen excellent d échapper aux difficultés du moment, en gagnant du temps, ce qu il aurait surtout en vue actuellement. Le Premier Ministre du Roi Guillaume a toujours compté, pour le triomphe de sa politique, sur certaines éventualités européennes, dont aucune jusqu ici ne s est réalisée, mais qu il continue d entrevoir dans l avenir, et, une fois à la Diète, il saurait bien éterniser les négociations, de manière à ne rien compromettre de ses espérances. Quant à l Autriche, j ai eu l honneur de faire connaître à Votre Excellence le point où en étaient les pourparlers entamés entre cette Puissance, la Bavière et la Saxe, pour remettre entre les mains de la Confédération

la solution définitive de la question des Duchés M. On procéderait déjà à l exécution de ce qui a été convenu à ce sujet, entre Vienne et Munich, sans la difficulté d aboucher ensemble M. de Pfordten et le Comte de Blome, qui en sont arrivés, par suite de propos très légèrement tenus réciproquement l un sur l autre, à une rupture presque complète. De toutes parts, toutefois, on presse l Autriche d en finir et de se jeter résolument, franchement, loyalement, dans la voie qui lui a été ouverte par la Saxe et qui peut seule lui donner raison contre son adversaire. Malheureusement, on se méfie toujours de cette Puissance, à laquelle on ne craint pas de laisser entendre clairement « qu il faut qu elle laisse de côté toute arrière-pensée aucune, en adoptant la nouvelle politique qui doit la réunir à l Allemagne sous le drapeau fédérale.

Votre Excellence sait que le Comte d Apponyi a voulu faire intervenir le Comte Clarendon à Berlin, et elle connaît aussi la réponse du Ministre anglais : « L Angleterre ne voulait pas se mêler d un différend qui ne la concernait en rien, et, du reste, l Autriche n avait que ce qu elle méritait" (2). Cependant, Lord Loftus aurait peu adroitement interpellé le Roi Guillaume, en conseillant à ce Prince la réflexion et la modération (3). Depuis, l article du Times signé Pax vobiscum aurait singulièrement frappé le Principal Secrétaire d Etat aux Affaires étrangères. Cet article, qui a fait plus d effet qu aucune dépêche officielle qui aurait pu être adressée à Lord Clarendon par un Etat intéressé, rappelle, si je ne me trompe, certaines circonstances communes à l Angleterre et à la Prusse. Lord Palmerston disait souvent que le Gouvernement anglais n avait garanti que deux choses en Europe : la neutralité de la Belgique, et le partage de la Saxe en faveur de la Prusse. Si cette dernière Puissance, déclarant la guerre, violait la neutralité de ce Royaume en l occupant, l Angleterre ne serait-elle pas en droit de retirer la seconde de ses garanties?

Bien que les chances de voir la guerre éclater semblent diminuer, cependant des forces autrichiennes se concentrent en Bohême, et les conscrits saxons qui ne devaient être appelés qu en

mai prochain se trouvent déjà depuis une quinzaine de jours sous les drapeaux.

P.-S. — L Autriche fait dire par tous ses correspondants dans la presse allemande qu elle n acceptera aucune compensation de la part de la Prusse, mais qu elle est résolue à repousser par les armes toute prétention injuste de la part de cette dernière Puissance. Cela serait le dernier mot d ordre parti de Vienne. |