La prostitution des mineures : le corps en négociation

La prostitution des mineures ne se réduit pas qu’à la question de l’exploitation d’adolescentes par des réseaux de proxénétisme. Il existe une prostitution de jeunes d’origine française, plus invisible car moins bien repérée que celle des étrangères contraintes de subvenir à leurs besoins. Ce phénomène en recrudescence relève de mécanismes propres, dans lesquels les jeunes filles mettent en jeu leur corps dans une relation à l’autre qu’elles pensent maîtriser en inversant le rapport de domination, par exemple en considérant que c’est le « client » qui se fait manipuler dans la négociation.

L’article souligne une double dissociation entre le sujet et son corps. D’une part la jeune fille qui habite son corps et en parle doit également vivre avec les multiples lectures que d’autres font d’elles et de son corps, en fonction des usages qu’ils font de ce dernier et des discours qui les soutiennent. À quoi s’ajoute une seconde lecture, qui est celle de l’après-coup : les jeunes filles qui parlent de leur expérience le font parfois en se retournant sur un passé plus ou moins lointain, pour dire comme elles « s’en sont sorties ». Ainsi, non seulement la lecture que le sujet fait de son corps se confronte aux discours que d’autres tiennent sur lui, mais par surcroît, le sujet lui-même est dissocié entre le vécu et le discours qu’il peut tenir sur son corps dans le temps de ce vécu, et le discours qu’il tient bien plus tard, en reconstruisant un récit sur ce passé.